Regards d’un formateur web.
Depuis plus de quinze ans, j’accompagne des étudiants, des entrepreneurs et des entreprises dans leurs projets digitaux. J’ai vu passer des générations d’outils, de tendances et de buzzwords. Mais surtout, j’ai vu les métiers du web évoluer, se recomposer, parfois disparaître, et souvent renaître sous une autre forme.
- Aujourd’hui, cinq postures clés structurent cette mutation — toutes profondément transformées par deux phénomènes émergents :
- les agents intelligents qui agissent en notre nom en ligne,
- et les interfaces portables (lunettes, montres) qui rendent le web invisible, mais omniprésent.
Ces technologies ne sont pas le sujet. Elles sont le contexte qui redéfinit ce que signifie “faire du web” en 2025–2026.
Le stratège de l’intention : au-delà du SEO
Le SEO n’a jamais été qu’une affaire de mots-clés. C’est l’art de traduire l’intention humaine dans le langage des machines — sans jamais perdre de vue l’utilisateur.
Mais aujourd’hui, les machines ne sont plus seulement Google. Ce sont aussi des agents IA qui comparent, filtrent, achètent à notre place.
Cela change radicalement la donne pédagogique :
- Je n’enseigne plus seulement le balisage sémantique,
- Je montre comment structurer un contenu pour qu’un agent le comprenne en 200 ms,
- Je parle de GEO (Generative Engine Optimization) : comment être cité par une IA, pas juste bien classé.
Former au SEO, c’est désormais former à rendre l’information utile, claire, et machine-friendly — parce que demain, ce ne sera plus seulement un humain qui lira votre page, mais un agent.
En 2026, le SEO ne se résume plus à un seul profil, mais à une constellation de spécialités complémentaires, toutes orientées vers un même objectif : rendre l’information utile, trouvable, et compréhensible — autant par un humain que par un agent IA.
On distingue désormais trois piliers :
- Le SEO sémantique, qui conçoit des contenus alignés sur les entités, les relations et les intentions conversationnelles (ex. : “Montre-moi une alternative durable à ces baskets”);
- Le SEO technique (ou SEO Dev), qui garantit la crawlabilité, la performance, la structure et la lisibilité machine — conditions sine qua non pour être vu par les agents;
- Le SEO agentique (ou GEO — Generative Engine Optimization), qui optimise non plus pour un classement, mais pour être cité, résumé ou utilisé par une IA générative.
Ces trois dimensions ne s’opposent pas. Elles se fondent en une seule posture : celle du stratège de l’intention, capable de penser à la fois le sens, la technique, et l’automatisation.
Le Head Designer : concevoir au-delà de l’écran
Avec l’essor des design systems, de l’accessibilité et de l’éco-conception, le rôle du designer a dépassé la simple interface. Le Head Designer porte désormais la vision globale du produit.
Il veille à la cohérence visuelle, au parcours utilisateur, à l’inclusivité, et à l’impact environnemental. Il est le pivot entre business, technique et usage, et intègre l’IA comme levier de prototypage, de personnalisation ou d’automatisation.
Parce que le design n’est plus visuel. Il est intentionnel. Il a été la première discipline à imposer une double écoute :
- Celle des algorithmes (Google, Bing…),
- Et celle des humains (leurs questions, leurs frustrations, leurs parcours).
Le Head Designer d’aujourd’hui pense :
- À la lisibilité d’un prix dans des lunettes AR,
- À la clarté d’une commande vocale,
- À la cohérence d’une marque à travers des interfaces invisibles.
En formation, je fais désormais tester mes apprenants sur :
“Et si votre site était lu par une IA ? Et s’il était affiché dans des lunettes ?”
Du développeur au Product Designer web-first
Le développeur classique traduisait un cahier des charges en code.
Mais avec le no-code, les CMS, et surtout l’explosion des agents IA, cette posture ne suffit plus.
Beaucoup deviennent Product Designers web-first :
- Ils ne conçoivent plus des “sites”, mais des expériences découvrables,
- Ils pensent PWA (Progressive Web Apps) parce qu’elles sont installables, hors ligne, et surtout visibles par les agents,
- Ils intègrent la performance comme critère de survie : un site lent est ignoré par les IA.
En 2025, un bon catalogue e-commerce n’est pas “joli”.
Il est rapide, structuré, et ouvert — parce qu’il doit être compris par une machine autant que par un humain.
(Une incarnation remarquable de cette mutation ? Hugo Taschet, fondateur de DevClub , qui décrypte avec clarté ce changement de paradigme.)
L’Indy hacker : l’entrepreneur du web ouvert
L’Indy Hacker ne lance plus une “boutique en ligne”.
Il déploie une PWA en 24h, connectée à Stripe, générée en partie par l’IA, et optimisée pour être trouvée — pas juste vue.
Il sait que :
- Une app native est invisible aux agents,
- Un site web bien conçu est découvrable par SEO, partageable par lien, et utilisable en RA,
- L’autonomie passe par le web ouvert, pas par les jardins clos des stores.
Son atout ? Il construit là où tout le monde peut venir — humains, agents, lunettes, montres.
Le Prompt designer : l’héritier du SEO et le nouveau traducteur homme-machine
L’arrivée des IA génératives redéfinit la relation avec la machine.
Le Prompt Designer n’est pas un magicien. C’est un stratège de la formulation.
Il sait que :
- Un bon prompt pour un agent IA doit inclure contexte, contraintes, et format de sortie,
- Une image + un texte = un prompt multimodal (utile pour décrire un produit à une IA),
- Demain, dialoguer avec une IA sera aussi naturel que chercher sur Google.
En formation, je fais pratiquer le prompt design inversé :
“Si une IA devait résumer votre site en une phrase, que dirait-elle ?”
Parce que votre réputation numérique ne dépendra bientôt plus de vous… mais de ce que les IA en diront.
Vers une hybridation des métiers
Le futur du web ne réside pas dans la disparition des anciens rôles, mais dans leur fusion intelligente :
- Le stratège de l’intention devient aussi prompt designer,
- Le designer UX pense aux interfaces invisibles,
- Le développeur devient Indy Hacker ou Product Designer web-first,
- Le formateur enseigne l’hybridation, pas les silos.
Ces postures ne sont pas des cases. Ce sont des compétences complémentaires que chacun peut cultiver.
Conclusion : former au web, c’est former à naviguer l’incertain
Former au web en 2025, ce n’est plus seulement enseigner WordPress, Figma ou les balises meta.
C’est préparer à un monde où :
- Les agents IA deviennent les nouveaux intermédiaires,
- Les interfaces se fondent dans le réel,
- Seul le web ouvert reste universellement accessible.
Le formateur web d’aujourd’hui doit donc accompagner ses apprenants vers des métiers qui n’existaient pas hier, mais qui façonnent déjà demain.
Et dans cette course, tout le monde repart sur la même ligne de départ.
La clé ? Poser les bonnes questions. Utiliser les bons outils. Et surtout, ne jamais cesser d’apprendre.
Chronologie du SEO : de la technique à la stratégie d’intention
- Années 2000 : balises méta, densité de mots-clés, backlinks massifs.
Une ère technique et mécanique, mais déjà guidée par un objectif clair : la visibilité dans les résultats de recherche. - Années 2010 : explosion du mobile, vitesse de chargement, expérience utilisateur (UX), contenus de qualité.
Le SEO s’ouvre à l’humain : Google pénalise les pratiques agressives (Panda, Penguin) et récompense les sites utiles, rapides, accessibles. - Années 2020 : E-E-A-T (Expérience, Expertise, Autorité, Fiabilité), recherche conversationnelle, contenus sémantiques, Core Web Vitals.
Le SEO devient une stratégie de confiance, centrée sur la valeur perçue par l’utilisateur — pas seulement par l’algorithme. - 2023–2025 : montée en puissance des réponses génératives (SGE), du GEO (Generative Engine Optimization), et des agents IA autonomes.
Il ne suffit plus d’être bien classé : il faut être cité, résumé, utilisé par les IA. Le contenu devient une source d’information pour des intermédiaires non humains. - 2026 : le SEO se fond dans le web agentique.
Les sites sont parcourus, comparés, et actionnés par des agents.
La performance, la structure sémantique, et la clarté factuelle deviennent des critères de survie.
Le métier évolue vers celui de stratège de l’intention : orchestrer la rencontre entre intention humaine, architecture technique, et lisibilité machine.

